Christiane Desjardins: Journal N-D-G – May 1, 1991
Une femme seule marche dehors le soir. Tout à coup, un homme se rue sur elle pour l’agresser. Il lui tient les mains derrière le dos et l’empêche de crier. La femme se déhanche rapidement vers la droite, enfonce son talon aiguille dans le pied de l’agresseur et, profitant de l’effet de surprise, s’enfuit en criant à fendre l’air. Tout le monde applaudit: elle a réussi.
Cette petite mise en scène n’était en fait qu’à moitié “arrangée”.
L’action se déroulait au Centre communautaire de Notre-Damede-Grâce, dans le cadre des cours d’auto-défense pour femmes, donnés par Georges Manoli. Si l’élève avait été prévenue qu’il “lui arriverait quelque chose” , elle ignorait quelle tactique utiliserait son agresseur, en l’occurence, M. Manoli. En outre, elle savait que ce dernier ne lui ferait pas de quartier. Elle devait se dépêtrer de sa mauvaise posture en mettant en pratique l’enseignement reçu lors des cours précédents.
Georges Manoli, l’instigateur de ces cours, connaît bien la violence, puisqu’il la côtoie chaque jour. En tant que policier au poste 15, il est amené à rencontrer des victimes et des agresseurs. Selon lui, la femme possède un grand nombre de ressources pour se défendre, mais il s’agit de savoir les utiliser et surtout, de prendre confiance en soi.
Il existe plusieurs types de cours d’auto-défense pour femmes. Selon M. Manoli, la technique qu’il a développée diffère des autres parce qu’elle tient compte de la personnalité de chaque femme et ne nécessite pas des années de pratique. Son programme consiste en une dizaine d’heures seulement (théorie et pratique combinées).
Même s’il est ceinture noire 4e dan en karaté, Georges Manoli n’utilise pratiquement pas cette technique pour ses cours. Il considère qu’enseigner aux femmes à briser un bout de bois avec une main est bien inutile. “Combien de femmes seront attaquées par un arbre”, fait-il remarquer.
Georges Manoli essaie d’abord de développer la confiance en soi de ses protégées tout en leurrecommandant de demeurer ellesmêmes. “L’important, souligne M. Manoli, c’est de changer le scénario face à l’agresseur. Parfois, il n’est même pas nécessaire de combattre. Par exemple, une femme peut décider de vomir lors d’une attaque. L’agresseur ne s’attend pas à cela, et c’est assez pour le faire décamper. Il y a une multitude de moyens à utiliser, selon les situations”.
D’abord les testicules, les yeux et le nez …
Par contre, si la lutte est inévitable, les femmes apprennent à “viser juste”, c’est-à-dire, là où ça fait vraiment mal. “D’abord les testicules, les yeux puis le nez”, souligne M. Manoli. Les morsures aux lèvres et à la veine jugulaire font également partie des techniques recommandées par le professeur. Pas question de frapper sur l’estomac ou sur les bras. La femme n’a habituellement pas la force qu’il faut pour que ce soit efficace, estime M. Manoli.
Les élèves interrogées par le Journal se sont déclarées très satisfaites de l’enseignement, particulièrement cette femme de 38 ans, victime de trois agressions au cours des dernières années et dont la plus récente l’a laissée avec un nez fracturé. Toute menue et ne· mesurant pas cinq pieds, elle avoue que si cela devait encore se reproduire, elle se défendrait. “Je me sens beaucoup plus confiante. Outre les techniques d’auto-défense, nous apprenons à porter attention à notre environnement, à être aux aguets”.
Georges Manoli compte donner une autre session d’auto-défense bientôt. Les femmes intéressées peuvent communiquer avec Georges Manoli, au 328-4683.