Source: Le Journal de Montréal

Une victime de violence conjugale aimerait que ce «traitement-choc» soit offert à plus de femmes

PHOTO MARTIN ALARIE: Le policier qui offre le cours d’autodéfense est vêtu d’un costume matelassé pour encaisser les coups.

Les cours d’autodéfense permettent à des victimes de violence conjugale de survivre à leur agresseur et devraient être accessibles au plus grand nombre de filles et de femmes, plaide une survivante qui a subi plusieurs années de violence verbale et physique.

« Je crois que ce cours devrait être offert à plus de survivantes, c’est certain, mais surtout à toutes les femmes et filles pour que justement, elles puissent éviter de vivre comme moi six ans de violence sans savoir comment se défendre. Je crois que ça diminuerait considérablement le nombre de victimes », soutient Audrey, une jeune femme qui a récemment échappé à un ex-conjoint violent et qui préfère taire son nom de famille.

Et elle le dit sans détour : « ce cours va me permettre de continuer à vivre ».

L’histoire d’Audrey commence comme la plupart des relations de couple. Mais après la lune de miel de quelques mois sont rapidement venus « les insultes, la séquestration, le contrôle de ma vie jusqu’à mon habillement, l’infidélité de sa part, les mensonges, puis les agressions physiques, relate la jeune femme. J’assumais ses dépenses sans que je puisse dire un mot. Je devais parfois choisir entre manger et acheter la paix. »

Un épisode particulièrement violent en 2020 l’a décidée à quitter son agresseur pour de bon. « Je ne croyais pas m’en sortir », confie-t-elle.

Attaquée par surprise

Pour lui, cependant, l’histoire était loin d’être terminée. « Il m’a harcelée toute l’année jusqu’au printemps [dernier] où il m’a attaquée par surprise dans la rue, le soir, quand je rentrais du cégep. Je suis tout de suite allée porter plainte à la police ».

Pendant les mois qui suivent, la jeune femme ne sort plus de chez elle, ne travaille plus, ne dort plus. Même le système d’alarme installé dans son appartement ne parvient pas à l’apaiser. 

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Le policier nouvellement retraité du SPVM, Georges Manoli, enseigne l’autodéfense depuis une douzaine d’années.

Jusqu’à ce qu’elle fasse la rencontre de l’instructeur d’autodéfense et policier nouvellement retraité du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Georges Manoli.  

Il enseigne l’autodéfense depuis une douzaine d’années à des femmes orientées vers ses services par la Direction de l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) notamment, comme Audrey, qui a obtenu trois séances remboursées.

Simuler l’agression

Ce ne sont toutefois pas toutes les victimes qui peuvent suivre ces cours, parce que les entraînements de M. Manoli sont difficiles physiquement, mais surtout psychologiquement. « Ce n’est pas Walt Disney ici », plaisante le professeur.

« Il faut […] s’assurer de ne pas dégrader la condition de la personne », précise l’IVAC, qui autorise un maximum de 20 heures de cours individuels. Et bien souvent, l’opinion du médecin ou du psychologue traitant est exigée.

Vêtu d’un costume matelassé, bien équipé pour recevoir les coups simples, mais efficaces qu’il enseigne aux femmes, le professeur fait revivre le cauchemar des agressions.

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Pour Audrey, une victime de violence conjugale, ce cours lui permet « de continuer à vivre ».

Dans un coin de son local de l’arrondissement de Saint-Léonard à Montréal, l’ancien policier crie des insultes sur Audrey en la menaçant. « Il me confronte aux mêmes paroles et aux mêmes gestes violents que mon ex utilisait », signale-t-elle.

La jeune femme panique. Sa peur est palpable et traverse la pièce tout entière. Ses mains tremblent et les larmes coulent à flots sur son visage.

Mais, « c’est ça qui rend ce cours aussi pertinent pour une survivante. Toutes mes rencontres avec Georges m’ont ouvert les yeux sur la gravité de ce que j’ai vécu. J’essayais encore de justifier ce qu’il m’a fait, mais il m’a montré avec son traitement-choc à quel point c’était intense. »

Reprendre le contrôle

Si l’idée des cours d’autodéfense est de se tenir debout devant son agresseur, ils permettent aussi aux femmes et aux filles de prendre le contrôle de leur sécurité, rappelle Rachel Chagnon, professeure de droit à l’UQAM et chercheuse à l’Institut de recherches et d’études féministes.

« Moi, si j’avais fait ce cours avant, je n’aurais jamais encaissé les coups comme je l’ai fait. Il n’y a plus jamais un homme qui va me maltraiter », affirme avec émotion Audrey. 

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